Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 2.djvu/372

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
366
CORRESPONDANCE

bien que ma première partie ne sera pas faite avant la fin d’avril. J’en ai bien encore pour une grande année, à 8 heures de travail par jour. Le reste du temps est employé à du grec et à l’anglais. Dans un mois je lirai Shakespeare tout couramment, ou à peu de chose près.

Je lis, le soir, du théâtre de Gœthe. Quelle pièce que Goetz de Berlichingen !

À ce qu’il paraît qu’il y a dans les journaux les discours de G[uizot] et de Montal[embert][1]. Je n’en verrai rien ; c’est du temps perdu. Autant bâiller aux corneilles que de se nourrir de toutes les turpitudes quotidiennes qui sont la pâture des imbéciles. L’hygiène est pour beaucoup dans le talent, comme pour beaucoup dans la santé. La nourriture importe donc. Voilà encore une institution pourrie et bête que l’Académie Française ! Quels barbares nous faisons avec nos divisions, nos cartes, nos casiers, nos corporations, etc. ! J’ai la haine de toute limite et il me semble qu’une Académie est tout ce qu’il y a de plus antipathique au monde à la constitution même de l’Esprit qui n’a ni règle, ni loi, ni uniforme.

Quels vers que ceux de l’ami Antony Deschamps !

Oui, tu es pour moi un délassement, mais des meilleurs et des plus profonds. Un délassement du cœur, car ta pensée m’attendrit, et il se couche sur elle comme moi sur toi. Tu m’as beaucoup aimé, pauvre chère femme, et maintenant tu m’admires beaucoup et m’aimes toujours. Merci

  1. M. de Montalembert prononça le 5 février son discours de réception à l’Académie française où il fut reçu par M. Guizot.