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CORRESPONDANCE

ensuite ! Je hume l’air, j’aspire l’odeur des aubépines et des ajoncs, je marche au bord de la mer, j’admire les bouquets d’arbres, les coins de ciel floconnés, les couchers de soleil sur les flots, et les goémons verts qui s’agitent sous l’eau comme la chevelure des Naïades, et le soir je me couche harassé dans des lits à baldaquin oà j’attrape des puces. Voilà. Au reste j’avais besoin d’air. J’étouffais depuis quelque temps. Tu me demandes si je suis plus heureux : mais, je ne me plains pas ; et si j’éprouve moins de désillusions : je n’en éprouve point. Franchement, j’en ai peu éprouvé dans la vie, étant né avec une provision médiocre d’illusions. Quand on compte sur peu, on est toujours étonné de ce qu’on trouve. Demain matin ou plutôt dans quelques heures (il est tard, tout dort, et toi aussi peut-être), nous partons pour Brest où nous ne devons arriver que dans 15 jours, après avoir fait près de 80 lieues à pied sur le bord de la mer. À Brest donc je t’écrirai, et j’espère une lettre plus longue.

Adieu, chère amie, adieu je t’embrasse sur les yeux pour les essuyer s’ils pleurent.

Amitiés et souvenir de Max.


195. À LOUISE COLET.

Entièrement inédite.

Saint-Brieuc, 7 juillet.

J’attendais une lettre à Brest ; rien. Serai-je plus heureux à Saint-Malo ? Qu’y a-t-il donc ? Es-tu malade ? Que t’est-il arrivé ? Pourquoi ce silence ? Il fallait au moins m’en avertir ! Si tu crois