Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 2.djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
292
CORRESPONDANCE

coin, une femme berçait un enfant dans un tronc d’arbre creusé. Ces sortes d’auges servent à la fois de berceau, de pétrin et de vase à faire la lessive. Juge de la quantité de puces qu’il devait y avoir dans de semblables gîtes !

Nous avons eu du beau temps à partir de Sparte. La Messénie est une belle chose, mais rien n’égale la route de Mégare à Corinthe. Le paysage de Sparte est des plus étranges et ne s’efface pas de la tête une fois qu’on l’a vu. Il n’y a pas une seule route en Grèce, pays bien plus sauvage et mille fois plus inconfortable que toutes les Turquies et toutes les Syries. Mais ce qui vaudrait à lui seul tout le voyage, c’est l’Acropole d’Athènes.

À Athènes, nous avons fait une visite À Canaris. Je lui ai promis de lui envoyer les poésies d’Hugo qui le concernent. Il ne savait seulement pas que Hugo existât ! Ô vanité de la gloire.

François, notre drogman, est un ancien renégat fait prisonnier par les Turcs dans la guerre d’indépendance. Chemin faisant il nous contait de bonnes histoires de guerre et d’évasion. Nous avons été contents de ce garçon. Je pioche maintenant à faire le derviche hurleur. François, à cheval, me donne des leçons. Maxime en est assommé ; je ne continue pas moins. Un soir, littéralement, j’en avais la poitrine défoncée et, dans la maison où nous couchions, tout le monde était venu à la porte pour voir ce qu’il y avait. Le scheik continue toujours, c’est une forte création que le temps n’entame pas.

Les kiques d’ici sont à côté, ou mieux, au milieu d’un poulailler qui occupe une chambre. On est