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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Grèce, ce sont les musiciens ambulants. Souvent vous rencontrez dans les villages deux hommes qui vont ensemble. Ils sont couverts de grands manteaux de grosse laine blanche. Les chiens hurlent après eux d’une façon formidable et les poursuivent jusqu’à ce qu’ils se soient réfugiés sous le hangar d’une maison. Coiffés d’une sorte de petit turban noir très large, dont les deux bouts leur pendent sur les oreilles (l’un d’eux repasse sous le menton comme dans les chaperons du moyen Âge), vêtus de guenilles, chaussés de sandales de toile, le plus grand souffle dans une vessie et le plus jeune porte au flanc un grand bissac. Après qu’ils ont fait leur collecte, ils s’en vont et les chiens se remettent à aboyer. J’en ai vu qui étaient noirs de boue et de crasse ; et là-dessous des figures charmantes, avec des airs de prince ou de galérien.

D’Athènes à Sparte nous avons eu de la pluie ; de Sparte ici, des torrents et des rivières à passer. Nous les passions à cheval ; quelquefois, le fleuve n’ayant plus de gué, notre cheval y nageait et nous avions de l’eau jusqu’au haut des cuisses. Quant au bagage, on le déchargeait complètement ; nos hommes se mettaient à l’eau et le transbordaient sur leur dos. Le soir nous couchions dans des écuries avec les Ânes et les chevaux, enveloppés de nos pelisses, autour d’un grand feu dont la fumée vernissait en noir les poutres du plafond. D’autres fois c’était dans une maison, chez quelque papas grec. La pièce commune, où couchait toute la famille et nous-mêmes, était pleine d’outres de vin, de tas de blé, de fromages secs, d’oignons enfilés à des cordes, etc. Dans un