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CORRESPONDANCE

Adieu, cher bon vieux ; je t’embrasse. Au printemps prochain, tu me reverras avec les roses. Nous reprendrons nos clairs de lune.


276. À SA MÈRE.
Athènes, 24 décembre 1850.

Nous cassepétons de satisfaction d’être à Athènes. Et d’abord il nous semble être au printemps, comparativement à Constantinople qui, dans l’hiver, est une véritable Sibérie. Les vents de la Russie rafraîchis par la mer Noire vous y arrivent de première main. Ici nous retrouvons les myrtes et les oliviers, qui nous rappellent notre bonne Syrie. Et puis les ruines ! les ruines ! Quelles ruines ! Quels hommes que ces Grecs ! Quels artistes ! Nous lisons, nous prenons des notes !

Quant à moi, je suis dans un état olympien, j’aspire l’antique à plein cerveau. La vue du Parthénon est une des choses qui m’ont le plus profondément pénétré de ma vie. On a beau dire, l’Art n’est pas un mensonge. Que les bourgeois soient heureux ! Je ne leur envie pas leur lourde félicité.

Nous sommes restés cinq jours au lazaret du Pirée. Sous prétexte de lazaret, on vous y écorche vif. Nous avons été rincés d’importance sous le rapport de la bourse. Quel infâme brigandage que ces quarantaines ! Comme on est complètement en prison, on vous vend tout au poids de l’or ; et comme il n’y a jamais rien de prêt, il faut l’aller chercher à la ville, et les commissionnaires