Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 2.djvu/267

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
261
DE GUSTAVE FLAUBERT.

272. À PARAIN.
[Constantinople,] 24 novembre 1850.

En attendant que je reçoive la lettre annoncée par ma mère et dans laquelle vous devez me raconter une anecdote curieuse sur le jeune Bezet, je réponds bien vite, cher oncle, à la vôtre, que j’ai reçue par le dernier courrier…

Que voulez-vous que je vous dise, cher vieux compagnon ? Quand je serai revenu à Croisset, comme nous arrangerons ensemble toutes les babioles que je rapporte. Échignerons-nous la muraille, hein ! Quel abus de la vrille !

Vous avez donc laissé mourir ce pauvre père C*** ? Moi, je l’ai laissé en Égypte bien portant, avec beaucoup de minarets et les pyramides à l’horizon. Ses filles maintenant vont jouir de leur liberté. Si la rumeur publique est vraie, elles vont pouvoir se livrer à leurs débordements et avoir des rendez-vous en ville tout à leur aise. Prenez garde, mon vieux, ménagez votre santé, vous savez que rien n’est plus dangereux pour la jeunesse que les femmes d’un âge mûr. J’avoue qu’elles ont du charme, mais elles sont bien ardentes. Enfin je me tais, parce qu’il ne faut pas froisser les passions.

Ah ! vieux polisson de père Parain, si vous étiez ici vous ouvririez de grands yeux à voir dans les rues les femmes. Elles se font voiturer dans des espèces de vieux carrosses suspendus et dorés à l’extérieur comme des tabatières. Là dedans, couchées sur des divans comme dans leur maison (la