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CORRESPONDANCE

point parfait. Ainsi la journée se passe et le lendemain recommence.

J’ai besoin cependant de prendre un peu l’air, de respirer à poitrine plus ouverte, et je pars avec Du Camp nous promener sur les grèves de Bretagne, avec de gros souliers, le sac au dos, à pied. Nous reviendrons à la fin de juillet. Dans un mois, ma mère viendra nous faire une visite à Vannes. Tâche, au milieu de tes préoccupations magistrales, de m’envoyer au moins une lettre pendant ce temps-là. Je serai à Brest vers le 10 juin. Voilà l’endroit le plus sûr où tu peux m’adresser ton style ; ou, si tu aimes mieux, adresse ta, ou tes (ce sera meilleur) lettres à Achille pour me la, ou les faire parvenir.

J’ai vu Alfred jeudi dernier. Son épouse va l’enrichir d’un fils ou d’une fille d’ici à quelques semaines. Voilà un crapaud qui me fera rire rien qu’à le regarder. Son père a toujours la même balle ; il végète comme par le passé, et encore plus que par le passé, dans une paresse profonde. C’est déplorable […].

Je comprends bien, va, les ennuis que tu éprouves la-bas, et les aspirations qui te prennent, à tes heures de délaissement, vers le sol natal. La patrie est peut-être comme la famille : on n’en sent bien le prix que lorsqu’on n’en a plus.

Adieu, cher ami, continue à poursuivre le crime et à protéger les mœurs. Porte-toi bien, voilà tout ce que je demande, et pense à ton vieux Flaubert.