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CORRESPONDANCE

un gros caillou noir pour toi, pauvre vieux, et dans l’eau bleue et tiède j’en ai pris encore trois ou quatre autres petits.

Nous sommes maintenant presque toujours en selle, bottés, éperonnés, armés jusqu’aux dents. Nous allons au pas, puis tout à coup nous lançons nos chevaux à fond de train. Ces bêtes ont des pieds merveilleux. Quand on descend une pente rapide, avant de poser leur sabot quelque part, elles tâtonnent lentement tout à l’entour avec ce mouvement doux et intelligent d’une main d’aveugle qui va saisir un objet. Puis elles le posent franchement et on part. Nous haltons aux fontaines ; nous couchons sous les arbres. Je ne peux pas dormir tant j’ai de puces. Nous avons quatre mulets qui portent des colliers avec sonnettes ; ça dure toute la journée et la nuit, rangés autour de nous, tout en mâchant leur paille.

À Beyrouth nous avons fait la connaissance d’un brave garçon, Camille Rogier, le directeur des postes du lieu. C’est un peintre de Paris, un de la clique Gautier, qui vit là en orientalisant. Cette rencontre intelligente nous a fait plaisir. Il a une jolie maison et un joli cuisinier.

Il y a bien longtemps que je n’ai lu de ta bonne écriture. Voilà les vacances, tu dois avoir un peu plus de temps. Envoie-moi des volumes.


266. À SA MÈRE.
Jérusalem, 20 août 1850.

Par le même courrier j’écris à Bouilhet. Je lui ai dit l’impression religieuse que m’avaient faite les