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DE GUSTAVE FLAUBERT.

264. À SA MÈRE.
Jérusalem, 10 août 1850.

Nous sommes arrivés hier au soir à quatre heures et demie. C’est une date dans la vie, cela, pauvre chère mère. Jusqu’à présent je n’ai encore rien vu que Botta[1] deux fois, une porte, le couvent arménien, la place où était la maison de Ponce Pilate et celle de sainte Véronique. Tout est fermé ; c’est la fête du Baïram (fin du Ramadan). Demain seulement nous commençons nos courses. Jérusalem est d’une tristesse immense. Ceci a un grand charme. La malédiction de Dieu semble planer sur cette ville où l’on ne marche que sur des merdes et où l’on ne voit que des rues. C’est bougrement crâne.

À Beyrouth nous sommes restés trois ou quatre jours de plus que nous ne voulions, grâce à la société que nous y avons eue. Au lieu des braves gens ou des canailles plus ou moins embêtantes de l’Égypte, nous sommes tombés sur un petit groupe vraiment fort aimable : le consul et sa famille, le médecin sanitaire français, le chancelier et le directeur des postes, Camille Rogier, un brave peintre échoué là et qui vit (moyennant la poste) à orientaliser dans ce beau pays. Nous nous sommes trouvés, lui et nous, être de la même bande artistique. Ç’a été pour nous une grande bonne fortune que de nous trouver tout à coup dans un vrai atelier d’artiste où nous avons eu, comme dessins,

  1. Consul de France.