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CORRESPONDANCE

l’Académie de Rouen ! Quels discours ! Tenue de ces messieurs : cravates blanches ; pompe, saines traditions ! un petit rapport sur l’agriculture !


260. À SA MÈRE.
6 lieues avant Beni-Souëf, 24 juin 1850.

Quand je t’ai envoyé ma dernière lettre, de Siout, chère pauvre vieille, je croyais bien qu’à la date présente nous serions au Caire depuis plusieurs jours. Mais je comptais sans le vent ; il nous a été constamment défavorable. Depuis quinze jours nous avons fait soixante lieues ; il y a des journées où nous faisons un quart de lieue, et en se donnant un mal de chien. Comme le Nil est maintenant à son plus bas, nous engravons souvent, ce qui n’accélère pas notre voyage. Bref, désespérant d’arriver au Caire avant une huitaine au moins (de Beni-Souëf au Caire il y a 25 lieues juste) et ayant peur que tu ne passes par-dessus un courrier sans avoir de lettres, à tout hasard je vais envoyer celle-ci au Caire dès que nous aurons touché Beni-Souëf. Mais j’ai bien peur que la malle des Indes ne soit déjà arrivée et le courrier de la fin juin parti. En conséquence, ça te fera un mois sans avoir de mes nouvelles. Pauvre mère, je fais tout ce que je peux pour que tu en reçoives le plus souvent possible. Mais je ne commande ni au vent, ni aux bateaux, ni à la poste, ni à la bonne volonté des gens par lesquels passent mes lettres. En Syrie, il est probable qu’il y aura dans ma correspondance de grandes irré-