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DE GUSTAVE FLAUBERT.

rager les nouvelles venues, faire qu’elles ne se découragent pas trop et ne se rendent pas malades à force d’être trop tristes. Sais-tu, pauvre chérie, que nous sommes à un mois de distance du pays des singes et des éléphants ? Mais il faut se limiter et songer que le fond du sac n’est pas inépuisable.


254. À SA MÈRE.
Philæ, 15 avril 1850.

Nous voilà de retour de la Nubie, comme nous sommes partis, en bon état, si l’on peut dire ainsi quand il y a deux grands mois que l’on n’a reçu des nouvelles de tout ce que l’on a de plus cher au monde. Hier soir nous sommes arrivés à Philæ, à la nuit tombante. Je suis aussitôt parti à âne avec Joseph pour Assouan (à une lieue d’ici), dans l’espérance d’avoir un paquet de lettres : rien ! J’imagine que tu as manqué un courrier et que tous les autres sont à la chancellerie du Caire, où je viens d’écrire immédiatement pour qu’on me les envoie à Keneh ; autrement je n’aurais de lettres de toi qu’à notre retour au Caire, à la fin de mai. Ça fera (ou ça ferait) près de quatre mois sans savoir ce que tu es devenue.

Le ciel était bien beau hier au soir, les étoiles brillaient, les Arabes chantaient sur leurs dromadaires. C’était une vraie nuit d’Orient où le ciel bleu disparaissait sous la profusion des astres. Mais j’avais le cœur bien triste, ma pauvre mère tant aimée. Écris-moi donc plutôt deux fois, plu-