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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Ta gloire m’est plus chère que la mienne, si j’en avais une toutefois ! Je veux dire que j’ai plus envie de t’entendre applaudir que de m’entendre applaudir.

Adieu, mille baisers sur les lèvres.


188. À ERNEST CHEVALIER.
[Rouen], 23 février 1847.

Permettez-moi, mon cher Monsieur, de vous féliciter sur le haut rang social où la bienveillance éclairée de S. E. le ministre de la justice vous appelle. J’avais su, vieux, par le canal des journaux, quoique je n’en lise jamais, que tu transférais ta boule et ta blague magistrales de Calvi à Ajaccio […].

J’ai vu par ta dernière lettre que tu allais assez bien. Le ton en était assez gaillard. Conserve-le toujours ce vieil aplomb moral qui à lui seul vaut tout le reste et qui console de tout quand on n’a plus rien. Sois toujours gars, sois toujours aimable, et le soir, par Le clair de lune, si tu vas te promener sur la terrasse du Cardinal-Fesch, donne-moi à travers la Méditerranée et la France une bonne pensée, en regardant la baie et les montagnes noircies par le feuillage des maquis.

J’aurais bien envie, à coup sûr, de t’aller faire une visite et de recommencer, avec plus d’intelligence que je n’en ai mis et plus de loisir que je n’en ai eu, ces longues promenades à cheval à travers les forêts de pins et de châtaigniers. Mais est-ce que je le peux ? Tu sais bien, tout comme