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CORRESPONDANCE

humaine. Quantité de messieurs marchent complètement nus, ce qui fait détourner les yeux des Anglaises ; les drôles sont du reste crânement tournés et outillés. Quant aux femmes, on ne leur voit rien de la figure, que la poitrine en plein. Dans la campagne, par exemple, quand elles vous voient venir, elles prennent leur vêtement, se le ramènent sur le visage et, pour se cacher la mine, se découvrent ce qu’on est convenu d’appeler la gorge, c’est-à-dire l’espace compris depuis le menton jusqu’au nombril.

Ah ! j’en ai t’y vu de ces tetons ! j’en ai t’y vu ! j’en ai t’y vu !

Remarque : Le teton d’Égypte est très pointu, en forme de mamelle, et n’excite pas du tout.

Mais ce qui excite, par exemple, ce sont les chameaux (les vrais, ceux qui ont quatre pattes) traversant les bazars ; ce sont les mosquées avec leurs fontaines, les rues pleines de costumes de tous pays, les cafés qui regorgent de fumée de tabac et les places publiques retentissantes de baladins et de farceurs. Il y a sur tout cela, ou plutôt c’est de tout cela que ressort une couleur d’enfer qui vous empoigne, un charme singulier qui vous tient bouche béante.

Quant aux almées du Caire, il n’y en a plus au Caire ; elles sont reléguées dans la Haute-Égypte. En revanche il y a des almées miles, citoyens à métier suspect, habillés en femmes et qui se trémoussent d’une belle façon. Après demain, nous en ferons venir six dans le jardin de l’hôtel et nous nous donnerons une représentation complète. Ce que j’en ai déjà vu dans la rue m’a paru très beau.