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CORRESPONDANCE

la fois m’a rempli de joie. Nous avons fait cet après-midi une délicieuse course aux tombeaux des Califes. C’est une grande plaine aux environs du Caire, toute chargée de mosquées du temps des croisades. On a le désert d’un côté, le Caire et tous ses monuments à vos pieds, et plus loin les prairies du Nil, avec le fleuve tacheté de voiles blanches. Les canges ont toutes deux grandes voiles croisées qui font ressembler le bateau à une hirondelle volant avec deux immenses ailes. Le ciel était tout bleu, les éperviers tournoyaient, les chameaux passaient, et du haut des minarets en ruines, dont les pierres sont rongées de vieillesse comme des pans de guenilles déchiquetées par les rats, on voyait les hommes et les bêtes ramper comme des mouches, le tout inondé d’une lumière liquide qui paraît pénétrer la surface de chaque chose et la transparence de l’atmosphère.

Maintenant que j’ai de tes nouvelles, je ferme ma lettre. Nous partons après-demain pour notre petite excursion autour du Caire.

Adieu, je t’embrasse un million de fois.


240. À MADAME BONENFANT.
Le Caire, 5 [4] décembre 1849.

Et d’abord, chers parents, permettez-moi de vous dire que je ne sais comment vous remercier pour les bons soins que vous prodiguez à ma pauvre mère. Elle en a bien besoin, je vous assure, et sans vous je ne sais ce qu’elle deviendrait.