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CORRESPONDANCE

bouch rouge qui cassepète de couleur rouge et m’a fait les premiers jours cassepéter de chaleur. Nous avons des boules assez orientales. Des considérations de sécurité arrêtent notre élan de costume ; l’Européen étant plus respecté en Égypte, ce ne sera qu’en Syrie que nous nous affublerons complètement. Et toi, pauvre vieux bougre aimé, que deviens-tu dans cette sale patrie à laquelle je me surprends parfois rêvassant avec tendresse ? Je songe à nos dimanches à Croisset, quand j’entendais le bruit de la grille en fer et que je voyais apparaître la canne, le cahier et toi… Quand reprendrons-nous nos interminables causeries au coin du feu, plongés dans mes fauteuils verts ? Où en est Melænis et les pièces, voyage ? etc., etc. Envoie-moi des volumes.

Nous partons le 1er  janvier pour notre voyage de la Haute-Égypte et de la Nubie. Ce sera l’affaire de trois mois environ. Je n’ai pas encore vu les pyramides. La semaine prochaine, nous ferons une petite tournée aux environs, dans laquelle nous verrons les pyramides, Sakkara, Memphis et le Mokattam, où j’espère tuer des hyènes ou quelque renard dont je rapporterai la peau.

Je crois bien, homme intelligent, que tu ne t’attends pas à recevoir de moi une relation de mon voyage. C’est tout au plus si j’ai le temps de me tenir au courant de mes notes. Je n’ai encore rien écrit, ni même ouvert un livre, si ce n’est hier que j’ai lu trois odes d’Horace par divertissement, en fumant mon chibouk. Je voudrais pourtant t’envoyer quelque chose qui aille te divertir dans ton logement de la rue Beauvoisine, entre Huart et les hiboux empaillés. D’un mot, voici jusqu’à présent