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CORRESPONDANCE

C’était dans une grande chambre en bois, ouverte de tous côtés, et dominant la mer qui battait au pied. Quant à la cuisine turque, la pâtisserie (beignets, gâteaux, plats sucrés) est excellente. Le reste m’a paru exécrable, mais ne m’a pas fait mal au ventre, ce qui m’a étonné. L’après-midi nous nous sommes promenés en barque sur le Nil, du côté de l’ombre, frisant le bord du fleuve chargé de jardins qui versent dans l’eau leurs touffes vertes. De temps en temps, dans les palmiers et les orangers, paraît une maison en bois toute découpée de ciselures comme un manche d’ombrelle chinoise. Sur le balcon, une femme voilée dont on ne voit que les yeux, ou bien un Musulman prosterné du côté de la Mecque et récitant ses prières en se frappant le front contre la terre.

Le lendemain mardi, à six heures du matin, nous sommes repartis. Il faisait froid. Nous avons gardé nos cabans toute la journée, et nous sommes arrivés à cinq heures à Alexandrie après dix-huit lieues de cheval dans le désert, et sans être ni écorchés ni moulus. Nos selles, d’ailleurs, sont si bonnes qu’on y est comme dans des fauteuils.

Tu vois que tout va bien, pauvre mère. Nous sommes couverts de flanelle des pieds à la tête. Le moral et le physique sont bons. Maxime me surveille et me soigne comme un enfant. Je crois qu’il me mettrait sous verre, s’il le pouvait, de peur qu’il ne m’arrive quelque chose.

Adieu, pauvre mère adorée. Bon espoir. Embrasse Liline pour moi. Toi je t’embrasse à t’étouffer.

Ce soir, soirée, réunion du grand monde. Nous