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CORRESPONDANCE

236. À SA MÈRE.
Alexandrie, jeudi, 22 [novembre 1849].

Je t’écris, chère vieille, en grande tenue, habit noir, gilet blanc, escarpins, etc., comme un homme qui vient de faire une visite à un premier ministre. Nous sortons à l’instant de chez Hartim-Bey, ministre des affaires étrangères, auquel nous avons été présentés par le consul et qui nous a parfaitement reçus. Il va nous donner un firman ficelé pour tout notre voyage. Nous sommes reçus ici d’une manière incroyable. Nous avons l’air de princes ; ceci n’est pas une plaisanterie. Sassetti répète : « C’est égal, je pourrai dire qu’une fois en ma vie j’ai eu dix esclaves pour me servir, et un qui chassait les mouches. » C’est en effet ce qui lui est arrivé.

Lundi prochain, nous partons en barque sur le Nil jusqu’à Kafresahiah[1] ; de là nous aurons trois jours de cheval jusqu’à Mansourah, d’où nous reprendrons une cange pour Damiette, et de Damiette nous remonterons jusqu’au Caire. Cette petite expédition dans la Basse-Égypte est l’affaire d’une quinzaine. Pendant ce temps, il est probable que je ne pourrai t’écrire, pauvre vieille, car à Damiette il est peu probable de rencontrer une occasion pour Alexandrie et nous pouvons arriver au Caire après le départ du courrier. Ainsi, prends patience, chère mère, ne t’inquiète pas. Je ne sais au juste quand tu recevras ma prochaine

  1. Kafr ez-Zaiyât.