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CORRESPONDANCE

Parle-moi de ta santé, pauvre chérie ; ne me cache rien. As-tu été reprise de tes crachements de sang ? Et les migraines ? etc. Moi, à cause du froid (car il ne fait pas chaud du tout, le temps est sec) et par précaution, j’ai dès maintenant endossé la chemise de flanelle. Me voilà donc condamné au gilet de santé.

Bouilhet doit t’écrire ; il me l’a promis en partant. Tâche de t’habituer à Nogent. Si tu revenais à Rouen tu t’embêterais peut-être encore plus. Je voudrais bien que l’été fût venu pour que tu puisses un peu voyager en Angleterre. Adieu, pauvre vieille ; ne pleure pas. Dans 72 heures je t’écrirai de Malte, sous les orangers ; mais quel dégobillage d’ici là, peûh, peûh ! Ah peûh !

Adieu, je embrasse sur tes deux longues joues creuses.


234. À SA MÈRE.
Malte. — À bord du Nil.
Nuit du mercredi au jeudi, 7-8 novembre [1849].

Nous venons d’arriver à Malte, chère bonne mère. Le bateau est à l’ancre dans le port, nous repartons demain à 1 heure après avoir pris du charbon. Je profite de l’état de stabilité du bâtiment pour t’envoyer cette lettre promise.

Sais-tu une chose, pauvre vieille, une chose superbe ? C’est que je n’ai pas eu le mal de mer. Non, pas du tout (sauf en partant de Marseille, la première demi-heure où j’ai vomi un verre de rhum que j’avais pris pour me donner du cœur). Du reste, tout le temps de la traversée, c’est-à-dire