Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 1.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.

29. AU MÊME
Lundi matin [Rouen, 18 mars 1839].

Je suis d’abord (ébloui par les feux du génie) resté dans l’admiration la plus complète de ta description de Palmyre. Ça vaut vraiment les honneurs de l’impression et du concours académique ; que dis-je ? la collection complète du Colibri pâlirait devant, et Condor avec ses deux pâtés, et Orlowski avec ses douze cafés, se prosterneraient la tête dans la poussière à la façon orientale.

Quant à ton horreur pour ces dames, qui sont au reste de fort bonnes personnes sans préjugés, je confie à Alfred le soin de la changer logiquement en un amour philosophique et conforme au reste de tes opinions morales. Oui, et cent mille fois oui, j’aime mieux une putain qu’une grisette, parce que de tous les genres celui que j’ai le plus en horreur est le genre grisette. C’est ainsi je crois qu’on appelle ce quelque chose de frétillant, de propre, de coquet, de minaudé, de contourné, de dégagé et de bête, qui vous emmerde perpétuellement et veut faire de la passion comme elle en voit dans les drames-vaudevilles. Non, j’aime bien mieux l’ignoble pour l’ignoble. C’est une pose tout comme une autre et que je sens mieux que qui que ce soit. J’aimerais de tout mon cœur une femme belle et ardente et putain dans l’âme […] Voilà où j’en suis arrivé. Quels goûts purs et innocents ! Vivent les plaisirs champêtres !

Tu me dis que tu as de l’admiration pour