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DE GUSTAVE FLAUBERT.

les phénomènes qui le reproduisent. Mais je crois sincèrement que je plais à peu de femmes ; à quelques hommes beaucoup. Plusieurs me détestent instinctivement, et le plus grand nombre ne me remarque pas ; j’ai cela de commun avec tout le monde.

Est-ce que tu ne t’es pas aperçue combien j’étais timide et gauche, peu sûr de moi, combien j’avais peu d’aplomb ? Il a fallu que je fusse irrésistiblement entraîné ! À l’heure qu’il est, je m’étonne encore que ce soit moi que tu aimes, que ce soit moi qui t’aime. Cela me paraît une anomalie de ma nature, une métamorphose, une renaissance si tu aimes mieux. Mais combien je trouve de douceur dans ton souvenir ! Si tu savais combien de fois par jour ma pensée voltige sur toi, se pose sur tes seins, se balance au bout de tes cheveux, s’éclaire au feu humide de tes yeux !

Tu m’as dit hier que j’étais la poésie de ton soleil couchant. Si je suis ton dernier amour, tu es peut-être aussi le mien ; le premier est si loin ! Un homme plus jeune t’eût aimée avec plus d’exclusion, plus de pureté, plus d’élan, mais moins longtemps peut-être, moins profondément, moins intimement. Oui, toujours, toujours, et lors même que je ne t’aimerai plus, la tendresse remuera pour toi le fond de mon cœur. Je voudrais t’aimer davantage ; je voudrais que tu le saches bien ; je voudrais pouvoir te le prouver.

Je ne fais pas grand’chose depuis quelques jours ; notre déménagement nous occupe. Je rumine un plan, je pense à toi. Novembre est de côté, je te l’apporterai ; je l’avais oublié la semaine dernière. Merci de ton attention pour ton cos-