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DE GUSTAVE FLAUBERT.

patience et d’angoisse. Oh ! plus de cela, je t’en prie !

Adieu, adieu, mille tendres baisers. Mon cœur bat comme s’il t’était arrivé un malheur.


161. À LA MÊME.
En partie inédite.
Mercredi soir, 11 h. [Croisset, 21 octobre 1846.]

Je réponds à tes deux lettres, à celle écrite dimanche matin et à celle de lundi. On s’est trompé à la poste pour la première, et on l’a envoyée à Croisy-la-Haie, village sur la route de Neufchâtel. Écris, à l’avenir, Rouen en plus gros caractères et Croisset bien distinctement.

Non, je [ne] te ferai pas de reproches sur tes reproches. Que l’injustice en retombe sur toi ! Tu as peur que je ne t’envoie des duretés ; eh bien, non, je ne t’envoie que des baisers, que des caresses. Je voudrais pouvoir te faire parvenir une mélodie langoureuse pour te charmer, comme on fait aux enfants qu’on endort, ou un de ces bons parfums qui, tout en vous faisant mourir, semblent vous donner une vie nouvelle. Pourquoi, pauvre âme, ne veux-tu plus que je te dise que je t’aime ? C’est au reste là le sort des sentiments vrais, de n’être pas crus. Si j’avais posé, menti, exagéré, tu n’aurais peut-être pas en ce moment tous ces doutes qui te rongent. Je ne sais que te dire ; j’ai peur à tout mot de faire saigner ton pauvre cœur sur lequel je pose le mien. Mais est-ce que j’ai l’air d’un homme qui ment ? Si je ne t’aimais pas, est-ce