Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 1.djvu/391

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
343
DE GUSTAVE FLAUBERT.

chose de ton esprit dans les rapports que tu as avec moi. Tu verras que ton cœur, plus tard, lui sera reconnaissant de cette impartialité ! J’avais cru dès le début que je trouverais en toi moins de personnalité féminine, une conception plus universelle de la vie ; mais non ! Le cœur, le cœur ! ce pauvre cœur, ce bon cœur, ce charmant cœur avec ses éternelles grâces, est toujours là, même chez les plus hautes, même chez les plus grandes. Les hommes, d’ordinaire, font tout ce qu’ils peuvent pour l’irriter, pour le faire saigner. Ils s’abreuvent avec une sensualité raffinée de toutes ces larmes qu’ils ne versent pas, de tous ces petits supplices qui leur prouvent leur force. Si je comprenais ce plaisir-là, j’aurais beau jeu à me le donner avec toi.

Mais non, je voudrais faire de toi quelque chose de tout à fait à part, ni ami, ni maîtresse ; cela est trop restreint, trop exclusif ; on n’aime pas assez son ami, on est trop bête avec sa maîtresse. C’est le terme intermédiaire, c’est l’essence de ces deux sentiments confondus. Je voudrais enfin qu’hermaphrodite nouveau, tu me donnasses avec ton corps toutes les joies de la chair, et avec ton esprit toutes celles de l’âme.

Comprendras-tu cela ? Je ne crois pas que ce soit clair. C’est une chose étrange avec toi combien j’écris mal ; je n’y mets pas de vanité littéraire, mais c’est ainsi. Tout se heurte dans mes lettres ; c’est comme si je voulais dire trois mots à la fois.

J’ai assez ri du désappointement de Phidias pour sa décommande. Il devait avoir une figure grotesque. Il faut convenir que les hommes sont