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CORRESPONDANCE

l’ivresse que j’en ai eue ? Adieu, reçois ici tous mes baisers, ceux que je t’ai appris, m’as-tu dit, ceux dont je voudrais pouvoir te couvrir à cette heure tous les membres. Je me figure que tu es là et que tu te pâmes sous leur pression… Adieu, sur tes lèvres, mon amour.

L’adresse de Du Camp est place de la Madeleine, 26, si quelquefois tu en avais besoin ; mais il va, je crois, partir en voyage d’ici à deux ou trois jours.


138. À LA MÊME.
Dimanche soir. [13 septembre 1846.]

[…] Je suis triste, ennuyé, horriblement agacé. Je redeviens, comme il y a deux ans, d’une sensibilité douloureuse. Tout me fait mal et me déchire ; tes deux dernières lettres m’ont fait battre le cœur à me le rompre. Elles me remuent tant ! quand, dépliant leurs plis, le parfum du papier me monte aux narines et que la senteur de tes phrases caressantes me pénètre au cœur. Ménage-moi ; tu me donnes le vertige avec ton amour ! Il faut bien nous persuader pourtant que nous ne pouvons vivre ensemble. Il faut se résigner à une existence plus plate et plus pâle. Je voudrais te voir, en prendre l’habitude, que mon image, au lieu de te brûler, te réchauffe ; qu’elle te console au lieu de te désespérer. Que veux-tu ? chère amie, il le faut. Nous ne pouvons être toujours dans ces convulsions de l’âme dont les abattements qui la suivent sont la mort. Travaille, pense à autre