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CORRESPONDANCE

peut-être plus longtemps ainsi, excités que nous serons par un désir inassouvi.

Tout a été doux, n’est-ce pas ? Rien ne nous a gênés, et je ne t’ai rien dit, il me semble, qui t’ait affligée, ni toi à moi. Quel beau souvenir ! C’est à en faire dire une messe commémorative.

Revenu ici, j’ai prodigieusement mangé, surtout de l’aloyau. J’ai ri en dedans, en pensant à la comparaison chérie de Phidias. Après m’être refait l’estomac, je me suis étendu sur mon divan où je me suis endormi de suite.

Nous venons de dîner à neuf heures, à cause de ces parents dont je t’ai parlé et qui sont venus très tard. Mais avant de te (sic) coucher, j’ai voulu, selon ma promesse, envoyer encore un baiser, écho affaibli de ceux qui, hier à cette heure-ci, résonnaient si fort sur ton épaule quand tu me criais, « mords, mais mords-moi ! » ; t’en souviens-tu ?

Adieu ma toute belle, repense à tout ce que nous avons fait. J’ai relu tes vers, merci ; je n’ai lus qu’eux maintenant. Encore adieu, mille caresses, des plus chaudes, de celles que tu aimes le mieux. Aime toujours, et ne m’accuse jamais. Moi, tu ferais tout que je te pardonnerais toujours. Oui, je reviendrais à toi ; il me semble que j’y serais forcé. Tu m’as dit une chose qui m’a fait bien plaisir, « c’est que quand même nous nous séparerions, nous garderions toujours l’un de l’autre un bon souvenir ». Oui, c’est vrai. Adieu chérie, adieu, à toi corps et âme.