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CORRESPONDANCE

jusqu’à dimanche matin. Vous le verrez dimanche soir ; revêtu du twine anglais, il se promène sur la jetée d’un air maritime, interroge les pêcheurs, assiste à la vente du poisson et rêve à faire de l’effet quand il sera de retour à Nogent.

Nous sommes logés chez Michel Laumeille et Catherine Legris son épouse, baigneurs brevetés de S. A. R. le comte de Paris ; car il n’est question que de la famille royale. On en est tanné ; un patriote ne saurait vivre longtemps dans un semblable pays. Le sieur Wall, ami de l’infâme ravisseur de nos libertés publiques, nous a pilotés dans le château d’Eu et a mis à notre disposition le canot des souverains. Nous en avons profité déjà pour venir d’Eu ici, mais nous ne ferons pas de promenade en mer. Caroline a toujours son mal de gorge ; elle s’en plaint surtout la nuit. Papa souffre de temps en temps des dents ; cependant il va bien ; ses yeux sont en bon état et le facies est meilleur qu’en partant de Rouen. Ma mère a eu ce matin la migraine ; elle est levée et pense que ça va diminuer. — Quant à moi, mon vieux, je vais bien ; je me suis ce matin fait la barbe avec ma main droite, quoique, le séton me tiraillant et la main ne pouvant se plier, j’aie eu quelque mal.

Il a été question de Baptiste. Voici où en sont les choses : papa, qui trouve qu’on doit avoir de la reconnaissance pour les gens qui vous ont servi longtemps, veut à toute force l’employer ; mais la bourgeoise a formellement dit qu’elle ne voulait pas de son épouse ni de lui à la maison ; on l’emploierait de temps à autre pour faire des journées ; j’ai fait observer qu’il vaudrait mieux prendre, pour aider le jardinier, un homme du pays qui