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CORRESPONDANCE

long, long, bien long, pauvre vieux ; non pas pour moi mais pour les miens, pour ma mère que cette maladie use lentement et rend plus malade que moi.

Ah ! la maison n’est plus gaie comme par le passé ; ma sœur est mariée, mes parents se font vieux, et moi aussi ; tout cela s’use ! On y blaguait bien, à ce bon Hôtel-Dieu, il s’y passait de bons jeudis autrefois ; tant que tu vivras, j’en suis sûr, tu te les rappelleras avec douceur.

J’ai eu dernièrement la visite de Du Camp qui est resté trois semaines ici. Le jour qu’il est arrivé, Panofka[1] et Maurice me sont arrivés à l’improviste. Je les ai menés le lendemain faire un petit déjeuner, chez l’ami Jay[2], dont ils ont été assez satisfaits. Le soir Panofka nous a joué du violon. Tu sauras que Jay a inventé un nouveau plat qu’il a décoré de notre nom, c’est un entremets sucré, un pudding à la Flaubert.

Ah, j’oubliais de te dire que « l’homme aux études historiques » est décoré de la Croix d’Honneur. Je ne l’ai pas vu depuis qu’il a le ruban, mais il me viendra faire une visite d’ici à quelques jours. J’ai envie de le voir enrubanné ! Dainez, surnommé Pue-ventre, va tenir une pension en collaboration avec Preisser. Comme tout cela est beau ! Bourlet n’est pas encore au comble de ses vœux. Que dis-tu de sa constance ! On le trouvera quelque jour mort […] dans son lit, tout raide et droit comme un lapin gelé.

Adieu, vieux ; n’oublie pas ce que je t’ai de-

  1. Compositeur violoniste.
  2. Restaurateur célèbre de Rouen.