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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Écris-moi comment tu vas et ce que tu fais. Vois-tu quelquefois Oudot dans tes rêves ? Duranton te pèse-t-il sur la poitrine quand tu as des cauchemars ? Quelle belle invention que l’École de Droit pour vous emmerder ! C’est à coup sûr la plus enkikinante de la création.

Adieu, vieux, bonne santé, mille choses à tes bons parents.

Tout à toi.

Ne m’oublie pas auprès du jeune Coutil, si tu le vois. C’est du reste de saison : comment oublier le coutil en été ?


87. À LOUIS DE CORMENIN[1].
7 juin [1844].

Que je dois vous paraître coupable, mon cher Louis ! Que voulez-vous faire d’un homme qui est malade la moitié du temps, et qui est si ennuyé l’autre qu’il n’a ni la force, ni l’intelligence d’écrire même des choses douces et faciles, comme celles que je voudrais vous envoyer ! Connaissez-vous l’ennui ? non pas cet ennui commun, banal, qui provient de la fainéantise ou de la maladie, mais cet ennui moderne qui ronge l’homme dans les entrailles et, d’un être intelligent, fait une ombre qui marche, un fantôme qui pense. Ah ! je vous plains, si cette lèpre-là vous est connue. On s’en croit guéri parfois ; mais un beau jour on se réveille souffrant plus que jamais. Vous

  1. Ami intime de Gustave Flaubert et de Maxime du Camp. Publiciste, il signait Paul Simon.