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CORRESPONDANCE

mes douleurs ; mais que veux-tu ? si j’ai déjà les maladies des vieillards, il me sera bien permis de radoter comme eux.

Et toi, que deviens-tu ? Comment ça va ? Comment roules-tu ta bosse dans la nouvelle Athènes ? Écris-moi. Quand tu viendras aux Andelys, n’oublie pas de pousser jusqu’à Rouen. Adieu, mille compliments aux amis, aux sieurs Dumont et Coutil.

Adieu, vieux.

Jeudi matin.

85. AU MÊME.
[Rouen, 9 février 1844.]

Nos deux lettres se sont croisées, mon bonhomme. Tu m’en envoyais une assez facétieuse, qui m’a fait rire et m’a déplissé le front ; tu en as reçu une de moi qui t’aura fait de la peine et t’aura fait dire des sacré nom de Dieu. Ton brave oncle Motte est venu ici savoir de mes nouvelles, et sans doute qu’il t’en aura donné. Oui, mon vieux, j’ai un séton qui coule et me démange, qui me tient le cou raide et m’agace au point que j’en ai des suées. On me purge, on me saigne, on me met des sangsues, la bonne chère m’est interdite, le vin m’est défendu ; je suis un homme mort.

Je ribote avec l’eau de fleurs d’oranger, je me fous des bosses de pilules, je me fais socratiser par la seringue et j’ai un hausse-col sous la peau. Quelle existence voluptueuse ! Ah que je m’emmerde !