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CORRESPONDANCE

Puisque tu fais de la géométrie et de la trigonométrie, je vais te donner un problème : Un navire est en mer, il est parti de Boston chargé de coton, il jauge 200 tonneaux ; il fait voile vers le Havre, le grand mât est cassé, il y a un mousse sur le gaillard d’avant, les passagers sont au nombre de douze, le vent souffle N.-E.-E., l’horloge marque 3 heures un quart d’après-midi, on est au mois de mai… On demande l’âge du capitaine ?


80. À LA MÊME.
Paris, juin 1843.

Cette lettre vous parviendra par l’ami Florimont[1], qui est chargé de la porter. Il s’embarque pour la Neustrie non sans peur, car Beautot est là qui le menace et il a une venette horrible d’être obligé d’y subir une journée. Quant à moi, je ne demanderais pas mieux que d’aller même à Beautot, tant je suis embêté du lieu où je suis. L’univers est grand, et le voyageur en est le vrai roi. Que ne suis-je voyageur ! Il y a sur la terre des mers énormes et es forêts vierges, des déserts à lasser le pied des chevaux, des horizons sans fin, des vallées profondes, des plaines qui n’en finissent. On peut aller partout là ; eh bien, non ! Il existe aussi sur la terre un petit point restreint qu’on appelle Paris, et dans ce point une autre imperceptibilité qui est l’École de Droit. C’est justement là qu’il me faut vivre, c’est là que je suis à me

  1. Chef du contentieux de la maison de l’Empereur.