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tabac turc que m’a donné M. Cloquet et qui me sert à charmer mes loisirs.

Paris n’est pas plus favorisé que Rouen sous le rapport du chemin de fer et, si tu t’ennuies d’en entendre parler, tu es tout à fait comme moi. Il est impossible d’entrer n’importe ou sans qu’on entende des gens qui disent : Ah ! je m’en vais à Rouen ! Je viens de Rouen ! irez-vous à Rouen ? Jamais la capitale de la Neustrie n’avait fait tant de bruit à Lutèce ; on en est tanné.

Je te prierai, mon bon rat, de changer un peu votre manière de m’envoyer vos lettres. Celle que j’ai reçue ce matin était datée de mardi. C’est deux bons jours de vieillesse qu’elle avait sur le dos. Il est étonnant que, « maintenant qu’il y a le chemin de fer[1] et que c’est si commode pour aller à Paris, car on peut y aller dîner et revenir le soir pour se coucher ; ah ! vraiment, c’est une chose incroyable ! etc. » et que, conséquemment, les « voies de communication » sont si rapides, je reçoive des nouvelles de vous comme si vous habitiez au fond de la Basse-Bretagne. Tâchez de vous arranger autrement.

Que fais-tu dans la maison de campagne, ma chère Carolo ! y peinturelures-tu ? pianotes-tu raide ? Vas-tu dans le bosquet avec Néo, miss Jane et maman, un livre et de l’ouvrage dans ton tablier, t’asseoir sur un banc ? Quel beau soleil il fait ! Comme je voudrais être avec vous ! Mais je pioche comme un enragé et, d’ici au mois d’août, je serai dans un état de fureur permanente. Il m’en

  1. La ligne de chemin de der de Paris à Rouen a été ouverte au public le 9 mai 1843.