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fins que moi. Mais vous, c’est pas ça, Monsieur ; c’est la tête qui travaille ; c’est la mémoire qui faut. Bien sûr que oui, vous aurez besoin de prendre l’air.

Je ne l’écoutais plus qu’elle parlait encore.

Ah ! rat, mon bon rat, mon vieux rat, ayez soin d’avoir de bonnes joues pour l’autre semaine, car j’ai faim de vous les embrasser. C’est moi qui m’en donnerai ! Décidément, quand j’y pense, je ne pourrai pas m’empêcher de te faire un peu de mal, comme les fois où mes gros baisers de nourrice font tant de bruit que maman dit : « Mais laisse-là cette pauvre fille ! » et que toi-même, harassée et me repoussant avec les deux mains, tu dis : « Ah ! bonhomme ! »

En attendant, voilà le jour qui baisse ; je n’y vois presque plus. C’est encore un de moins. Je m’en vais fermer ma lettre, la mettre à la poste, diner et m’en revenir à l’usufruit, que je repasse et repasse toujours ; mais ça me surpasse.


77. À LA MÊME.
[Paris, fin avril 1843.]

Comme je m’ennuie de toi, mon pauvre rat ! Il me semble qu’il y a quinze jours que je vous ai quittés. Le temps aussi est d’une tristesse affreuse ; il a neigé toute la journée, je suis maintenant tout seul à penser à vous et à me figurer ce que vous faites. Vous êtes là tous rangés au coin du feu, où moi seul je manque. On joue aux dominos,