Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 1.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suis tout seul dans la rue. Le maître est pour moi plein d’égards : ma haute stature l’a prévenu en faveur de mon estomac. Tu me demandes si j’ai un fauteuil : je n’ai pour sièges que trois chaises et une manière de divan qui peut servir à la fois de coffre, de lit, de bibliothèque et d’endroit pour mettre les souliers. Je crois aussi qu’on pourrait en faire une loge à chien ou une écurie pour un poney. C’est le lit que je destine à mes parents quand ils viendront me voir. Je m’aperçois que j’ai dit une malhonnêteté en voulant dire quelque chose de spirituel et faire l’agréable.

Dans toutes les comédies du monde, les fils inventent un tas de blagues pour carotter leur père, afin d’en soutirer de l’argent. Je n’ai aucune blague à inventer, mais j’ai besoin d’argent (de l’argent, toujours de l’argent, ils n’ont que ce mot-là à la bouche). Il me reste la somme de 36 francs et quelques centimes. Tu feras observer que j’ai payé mes meubles et qu’il m’a fallu encore acheter une infinité de choses, telles que pelles, pincettes, bois pour chauffer un homme comme moi, et que de plus je suis resté huit jours à l’hôtel, etc. Je prie donc papa de me dire où je peux aller toucher du blanc.


70. À LA MÊME.
[Paris, fin novembre 1842.]

Je m’attendais à une lettre de Rouen ce matin. Rien. J’aurais pourtant besoin de consolations et de doléances. J’ai passé récemment deux nuits à