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P.-S. — Répondez-moi dans peu de temps. J’aurais fort envie de correspondre avec vous plus souvent, car, une lettre finie, je me trouve être au commencement de ce que j’ai à vous dire.


56. À ERNEST CHEVALIER.
« Mercredi [Rouen, 23 Février 1842].

Je ne fous rien, ne fais rien, ne lis et n’écris rien, ne suis propre à rien. […]

À ce qu’il paraît que tu pioches raide, brave homme. « C’est une belle partie que la science et ceux qui la méprisent tesmoignent assez leur bêtise » ; mais s’en rendre malade comme tu le fais, voilà ce que je blâme ou mieux ce que je ne blâme pas, car je ne sais pas bien quelle est mon opinion, ni si j’en ai une ; oui tu as tort, non tu as raison. Oui, non, oui, non, oui, non, oui ; au reste comme tu voudras. Pour moi, depuis six semaines, il m’est impossible de rien bâtir en quoi que ce soit. Et pourtant j’ai commencé le Code civil, dont j’ai lu le titre préliminaire que je n’ai pas compris, et les Institutes dont j’ai lu les trois premiers articles que je ne me rappelle plus ; farce ! Dans quelques jours peut-être une fureur me reviendra, et je me mettrai à l’ouvrage dès 3 heures du matin. En attendant je fume ma pipe et espère le printemps. Je passerai au mois d’avril 15 jours à Paris ; là, j’espère, nous nous verrons et pourrons faire un transon de chière vie. Tâche d’être en vie à cette époque. J’ai été samedi dernier au bal masqué, en bourgeois, bottes vernies etc. J’ai