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longues épîtres. Je suis prêt à satisfaire ton désir et à te donner tous les détails possibles sur mon voyage.

Ce que j’ai vu de la Corse jusqu’à présent se borne à peu de chose, quant à l’étendue. Je connais Ajaccio et, aux environs, un lieu nommé Caldaniccia. Le pays où je suis ne ressemble pas plus à la Provence qu’à la Normandie, et j’ai été très étonné de trouver des aloès et des bananiers. Ce matin, au déjeuner, nous avions sur notre table deux grappes de raisin longues de plus d’un pied et pesant chacune quatre livres. Le ciel de la Corse est superbe, et on ne peut s’imaginer rien de plus beau que la baie d’Ajaccio. À Marseille déjà j’avais été étonné de la limpidité des eaux qui sont toutes bleues, mais ici elles sont bien plus transparentes encore ; on voit les poissons remuer et les herbes marines attachées au fond aller et venir sous la vague. Demain matin nous partons à six heures pour Vico et nous reviendrons ici dans deux ou trois jours pour recommencer nos courses. Notre itinéraire, dressé par le préfet, nous fait arriver à Bastia le 16. Du 7 au 16 nous serons donc en plein makis. À propos de makis, j’en ai vu hier dans la petite promenade que nous avons faite avant dîner. Toutes les montagnes en sont couvertes et, à les voir de loin, on les prendrait pour de grands champs d’herbes. Tout ce qu’on dit sur la Corse est faux : il n’y a pas de pays plus sain et plus fertile. Jusqu’à présent nous en sommes enchantés, et l’hospitalité s’y pratique de la manière la plus cordiale et la plus généreuse. Nous avons été forcés de quitter notre hôtel et nous sommes logés dans de belles et bonnes chambres, dormant