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réponds-moi et pardonne-moi. Tu t’attendais sans doute à une bonne lettre, à un écho de mon rire d’il y a quatre jours. Excuse-moi d’avoir trompé ton attente. Je suis trop triste pour rire, trop ennuyé pour bien écrire ; ma douleur est bête, incolore ; c’est un orage sans éclair et avec une pluie sale. Adieu, tout à toi, tu sais comme je t’aime.


42. AU MÊME.
À la 2e heure du jour, le 9e jour des Kalendes de juillet.
Mardi, jour (bière) de Mars.
[Rouen, 22 juin 1840.]

Je ne néglige point les devoirs de l’amitié et, quoique fatigué de besogne, j’ai encore le temps de t’écrire. J’espère au moins, et j’y compte, que revenu le 20 chez toi, tu pourras me régaler alors au moins de deux bonnes lettres, pleines de blagues et plaisanteries. Cela me divertira agréablement et jettera des fleurs sur la voie épineuse où je me déchire les pieds. (Je deviens élégiaque, c’est mon genre : j’ai toujours aimé à chier sur l’herbe et à boire du cidre sous la tonnelle.) Tu ne te figures pas une vie comme la mienne. Je me lève tous les jours à 3 heures juste et je me couche à 8 heures 1/2 ; je travaille toute la journée. Encore un mois comme ça ; c’est gentil, d’autant plus qu’il faut rerepiocher de plus belle. Je passerai le plus tôt possible, vers le 5 août à peu près. Il m’a fallu apprendre à lire le grec, apprendre par cœur Démosthènes et deux chants de l’Iliade, la philosophie où je reluirai, la physique, l’arithmétique