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la vie de campagne.

avec eux sur le revers des fossés. Tout cela est vrai d’une vérité nécessaire. Des êtres n’ayant d’autres données que celles de la vie instinctive, doivent s’y laisser glisser comme les animaux, dont ils sont à ce point de vue les frères à peine supérieurs : cela n’offre rien que de parfaitement normal, et seuls les aveugles ou les niais peuvent s’en montrer surpris ; car si la moralité ne commence pas avec l’aisance, ainsi que le prétend Balzac, elle nous apparaît comme le résultat de l’éducation, puisqu’elle est en dernière analyse la conséquence d’une convention sociale et qu’un effet ne peut exister indépendamment de sa cause. Fourchon, Tonsard, sa femme et ses filles sont donc vrais d’une saisissante vérité ; mais ils ne peuvent pas représenter à eux seuls toute la classe des paysans ; il en est d’autres, à l’état d’exception, je le veux bien, car « l’homme absolument probe et moral est dans la classe des paysans une exception », et ce sont les autres que Balzac nous a laissés par trop ignorer !…

C’est qu’il ne faisait pas ici simplement une peinture — et voici que nous nous trouvons ramenés à nos observations du début. — Balzac prétendait indiquer un danger social : il voulait le préciser avec tout le luxe de preuves que comportait un tel but. C’est là l’impression dominante qu’on éprouve à la lecture de cette œuvre, admirable par endroits, d’une justesse d’observation souvent cruelle et profonde, mais incomplète en certains points, imparfaite, non pas parce que les paysans ne sont pas tels qu’il les a