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la vie de campagne.

tence végétative. Cette donnée là est fondamentale ; quelles que soient les différences psychologiques que nous remarquerons dans la peinture des divers personnages du groupe, il y faudra toujours revenir comme au point de départ de tous leurs actes. Elle réagit avec une toute-puissante influence sur les manifestations de ce qu’on pourrait appeler leur vie morale, s’il s’agissait d’individus plus élevés dans l’ordre de l’intelligence : elle est en quelque sorte l’angle sous lequel ils voient toutes choses, et elle marque la limite de leurs perceptions.

Voilà ce que Balzac a merveilleusement compris a priori si l’on peut ainsi s’exprimer, c’est-à-dire en tant que conception générale de cette classe sociale, dans cette représentation synthétique du groupe qu’il voulait peindre, et dont il allait nous donner une analyse détaillée. Il marque lui-même, en résumant ces instincts, leur nature et leur portée, et tous ses efforts tendront, lorsqu’il s’agira pour lui de décrire les personnages individuels dont l’ensemble constitue l’espèce, à préciser et à accentuer ces instincts. — « Les paysans n’invoquent la morale, à propos d’une de leurs filles séduite, que si le séducteur est riche… L’intérêt est devenu le seul mobile de leurs idées. Il ne s’agit jamais pour eux de savoir si une action est légale ou immorale, mais si elle est profitable… Par la nature de leurs fonctions sociales, les paysans vivent d’une vie purement matérielle, qui se rapproche de l’état sauvage auquel les invite leur union constante. Le travail, quand il écrase le corps, ôte à