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chapitre x.

roman avait été « composé pour la démonstration d’un danger social ». C’est assez faire pressentir qu’en mainte circonstance Balzac s’est écarté de la vérité psychologique : en ses grandes lignes du moins a-t-elle été respectée ?

Dans l’examen et la comparaison entre ceux des différents groupes sociaux, l’espèce paysan nous apparaît avec des traits nettement tranchés qui la différencient de la manière la plus absolue des groupes voisins. Le point de départ et l’origine de sa nature se résolvent en un ensemble d’appétits vivaces, bien qu’à moitié inconscients, qui en font au premier chef un exemplaire accompli de la vie instinctive, comme l’animal avec lequel il présente les plus frappantes analogies. Radicalement différent à ce point de vue de l’ouvrier, qui gagne à la fréquentation des milieux plus relevés, à la lecture des feuilles publiques et de certains livres, une culture, d’ordre inférieur sans doute, mais incontestable, le paysan demeure impuissant à s’élever comme l’ouvrier à la notion d’une idée. Toutes les manifestations de la vie sont subordonnées chez lui à un groupe d’instincts rudimentaires qui le poussent à l’accomplissement de certaines fonctions et de certains actes d’une immuable fixité. Ces instincts, il serait aisé de les énumérer ; ils se résument à peu près ainsi : cupidité et avarice se manifestant par l’amour de la terre, qui est pour lui la seule richesse et à laquelle il tient par ses plus profondes racines, comme l’arbre de son champ dont il reproduit à peu de choses près l’exis-