Page:Flat - Essais sur Balzac, 1893.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
291
la vie de campagne.

de sujets nouveaux… Cet oubli n’est peut-être que de la prudence, par un temps où le peuple hérite de tous les courtisans de la royauté. On a fait de la poésie avec les criminels, on s’est apitoyé sur les bourreaux, on a presque déifié le prolétaire. Des sectes se sont émues et crient par toutes leurs plumes : « Levez-vous, travailleurs », comme on a dit au tiers état : « Lève-toi ! » — Cette déclaration légèrement emphatique, ce cri d’alarme poussé par Balzac dans la dédicace de son étude sociale des Paysans en marque la portée et le but. Ici en effet, et au premier chef, il s’agit d’une œuvre subordonnée à une idée, d’un roman composé pour la démonstration d’une vérité sociale ; comme toutes les conceptions de cet ordre, le roman des Paysans présente les qualités et les défauts inhérents aux œuvres à thèse. Des qualités d’abord, car l’idée maîtresse qui soutient l’écrivain dans l’exécution de pareilles œuvres leur donne une unité et une portée peu communes ; elle devient comme un incitamentum perpétuel, un appui pour lui, à travers les difficultés de l’exécution. Des défauts ensuite, et des défauts qui sont justement la contre-partie de ces qualités : le plus saillant de tous, est la subordination de la vérité psychologique, de l’exactitude des détails moraux à la nécessité d’écrire conformément à cette idée dominatrice, qui pèse de tout son poids sur l’œuvre même. Il ne s’agit plus là simplement d’analyser des caractères, d’étudier des sentiments et des instincts ; il faut avant tout que la peinture qu’on en fait s’accorde