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la préface de la « comédie humaine » .

ples conceptions de son génie comme un organisme vivant, à quoi pourrait-on mieux le comparer, cet ensemble de doctrines scientifiques, qu’à un principe de vie ? C’est lui qui communique à ses créations cette force et cette sève, garanties d’une jeunesse éternelle ; lui qui de personnages de fiction, purement imaginaires semble-t-il, fait des êtres de vie ardente et passionnée, obsédants pour l’esprit, s’imposant avec une réalité presque hallucinatoire ; c’est de lui enfin que découlent les idées à côté, moins importantes que ses conceptions primordiales, mais qui ne s’en déduisent pas moins avec rigueur comme les conséquences d’un principe préalablement établi.

Tout d’abord, ce que l’on a appelé la théorie des forces, qu’il formule ainsi : « L’homme n’est ni bon, ni méchant : il naît avec des instincts et des aptitudes. » Nous examinerons plus loin[1] jusqu’à quel point Balzac osa l’appliquer et se montra par là le rival des plus grands créateurs d’âmes qui jamais aient existé. Dans cette vue d’ensemble du monde, qui lui parait conduit à des fins inconnues sous l’impulsion d’une destinée invincible, l’homme, non plus que les autres êtres, n’est soustrait aux lois fatales : il comprend que, dans cette conception nouvelle de la vie, il n’y a plus de place pour l’antique dogme de la liberté d’agir, et que si, dans le domaine de l’existence journalière, nous sommes encore con-

  1. Voir le chapitre des Personnages excessifs