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la préface de la « comédie humaine » .

raire, mais d’une constatation scientifique rigoureusement exacte. Elle consiste en ceci que les milieux physique et social agissent tous deux en favorisant le développement, chez l’être vivant, de certaines aptitudes spéciales au détriment de certaines autres : c’est ce que la biologie appelle le phénomène de l’adaptation ; d’où il suit que les facultés en harmonie avec le milieu finissent par régner aux dépens des autres, qui s’atrophient.

L’effet du milieu physique a été de multiplier les diverses espèces animales ; l’effet du milieu social sera de multiplier les variétés de types humains. Dans ce sens, un distingué criminaliste de notre époque[1] essaya d’édifier une théorie des types professionnels. Il soutint que ce n’est pas le criminel seul qui dans nos sociétés apparaît comme un être à part, un type particulier, mais que tout comme pour les criminels, on pourrait pour les professionnels instituer des catégories très tranchées et reposant sur la constatation de déformations différentes. C’est identiquement l’idée qu’esquisse Balzac dans la préface de la Comédie humaine : « Les différences entre un soldat, un ouvrier, un administrateur, un avocat, un oisif, un savant, un homme d’État, un commerçant, un marin, un poète, un pauvre, lui prêtre, sont, quoique plus difficiles à saisir, aussi considérables que celles qui distinguent le loup, le lion, l’âne, le corbeau, le requin, le veau marin, la

  1. M. Tarde