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la préface de la « comédie humaine » .

Il s’imposa à lui lentement, sous l’influence de cet effort latent et inconscient du cerveau qui échappe à l’analyse, mais n’en produit pas moins ses effets, à l’insu de celui-là même qui les subit : ce qui ne veut pas dire qu’il se présenta d’une manière purement déductive, comme pourrait le faire croire la suite de sa préface. Je me l’imagine au contraire aboutissant à une sorte d’illumination soudaine, phénomène de véritable intuition, mais préparé de longue main par ses innombrables travaux antérieurs, par cette élaboration inconsciente dont nous parlions. À l’exemple de toutes les vastes généralisations philosophiques qui s’imposèrent au génie de leur inventeur avec le caractère d’évidence, et qui n’en sont pas moins le résultat d’une patiente contemplation des phénomènes particuliers de la vie, cette gigantesque vue d’ensemble de la Comédie humaine dut se produire avec la rigueur d’une nécessité psychologique, suite de la longue accumulation de documents qui furent ses premières œuvres. On ne saurait trop insister sur cette idée pour marquer la différence entre une conception scientifique réellement viable et les conceptions scientifiques rattachées et plaquées à un effort littéraire, ainsi que nous en vîmes naître à la suite et par esprit d’imitation[1]. Celle de Balzac découle de son œuvre et s’impose comme une conclusion logique ; elle fait corps avec elle au point d’en être inséparable. Les autres sont

  1. Telle la conception des « Rougon-Macquart » de M. Émile Zola.