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chapitre premier.

figure au début de la Préface ; si vague qu’elle semble au premier abord, si métaphorique qu’elle vous apparaisse et embrumée de poésie, elle n’en est pas moins suggestive en ce qui touche les tendances de l’esprit de Balzac et la manière dont s’imposa la conception d’ensemble de son œuvre.

Les phénomènes du monde lui apparurent un jour, non plus distincts et isolés comme aux intelligences moyennes qui ne sauraient embrasser la nature que fragmentairement, mais reliés entre eux par des attaches puissantes et dans un rapport de dépendance éternelle les uns à l’égard des autres. L’immense solidarité qui caractérise les manifestations de la vie et fait que, dans le choc des événements multiples, elles réagissent d’une manière aussi sûre que mystérieuse, cette solidarité dut le hanter en un jour d’obsession plus vive : le Roman, par conséquent, cette représentation artistique des choses, dut lui paraître susceptible, à l’image des réalités qu’il est destiné à fixer, d’une coordination par ensembles et par masses superposées. Mais comment s’opéra chez lui cette subordination d’œuvres diverses à une conception générale, cette superposition, ou, si vous aimez mieux, comment s’établit cette assise scientifique de son grand ouvrage ? Tel est le point capital qu’il importe de fixer, car il nous servira à différencier Balzac d’une autre catégorie d’artistes radicalement opposés à lui. Ce travail ne se fit pas soudainement, à l’origine de ses inventions romanesques ; ce ne fut pas une notion « plaquée » et artificielle.