Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
mémoires d’un astronome

Les hommes vivent là-dessus sans se douter de rien. Je sentais qu’il est plus agréable d’être instruit qu’ignorant, et je cherchais toujours à apprendre. La Meuse prend sa source dans ces coteaux, sur les versants desquels on trouve aussi des gryphées, des ammonites, des peignes, des polypiers, et coule, depuis les premiers âges de l’humanité, sur ce sol que la mer jurassique recouvrait de ses ondes.

Les ammonites datent de la même époque, et nous les recherchions avec plus d’avidité encore à cause de leur beauté artistique. Pour ma part, j’étais arrivé, vers l’âge de quatorze ans, à posséder une collection de plus de cent spécimens des fossiles de la période jurassique, et ce fut là l’origine de mon ouvrage Le Monde avant l’apparition de l’homme, dont je commençai la rédaction à l’âge de quinze ans.

Lorsque je questionnais sur ces fossiles, je recevais les réponses les plus contradictoires. En général, on les attribuait au déluge. Mais je ne pouvais concevoir que les eaux eussent jamais pu recouvrir ces terrains, dont l’altitude surpasse 400 mètres : cette eau, que serait-elle devenue ? Elle aurait dû recouvrir, au même niveau, le globe entier, et non seulement à ce niveau, mais encore à celui des Alpes, des Pyrénées, et, dit la Bible, « des plus hautes montagnes de la Terre ». Il ne pouvait y avoir là qu’une légende, le souvenir d’un bouleversement géologique. Mais, comment expliquer la présence de ces débris d’animaux marins sur les montagnes ?

Si la mer n’est pas montée là, il faut que le sol se soit soulevé. La logique ne peut sortir de ce dilemme.

J’avais à Illoud un cousin d’un certain âge, tisse-