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mémoires d’un astronome

on leur a donné le nom de « griffes du diable ». Elles sont si nombreuses qu’il n’y a pour ainsi dire qu’à se baisser pour en prendre. Ma curiosité native s’y intéressa passionnément jusqu’au jour où j’en connus l’origine. Ces pierres coniques pointues sont tout ce qui reste d’un mollusque céphalopode marin très répandu dans les mers de la période jurassique : ce sont des rostres de bélemnites. Il y en avait tant, qu’on les rencontre par tas énormes (on peut voir dans les collections géologiques du Muséum de Paris une plaque de schiste provenant du lias d’Angleterre, sur laquelle on compte plus de neuf cents rostres de bélemnites réunis dans un espace de cinquante centimètres carrés). Ces morceaux étaient d’ailleurs d’une conservation facile sur le fond de la mer, lequel, soulevé depuis, les a portés avec le sol sur lequel nous marchons aujourd’hui à quatre et cinq cents mètres de hauteur (pour ne parler que de nos pays). Avec ces rostres de bélemnites, les fossiles les plus communs que la nature place elle-même dans le panier d’une collection d’enfant, sont les térébratules et les rhynchonelles. Un peu moins grosses que des noyaux d’abricots, ces coquilles pétrifiées offrent des formes qui ne sont pas sans élégance. Les premières sont allongées en amandes, l’une des deux valves empiétant sur l’autre par son sommet : les secondes ont les deux valves emboîtées sur des plans différents par des échancrures hermétiquement fermées. On les trouve parfois aussi en telles quantités que des blocs de pierre de plusieurs kilogrammes sont entièrement formés d’une agglomération exclusive de ces coquilles juxtaposées, et que l’on peut facilement les détacher les unes des autres, car elles ne sont reliées entre