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sensibilité enfantine

délicieuses de mon enfance, qu’il a largement contribué à embellir.

Je n’ai jamais aimé souffrir, même des dents. Un jour qu’une dent de lait devait m’être arrachée, je m’y refusai de toute mon énergie, jetant des cris arrosés de larmes amères. « Voyons ! fit l’aimable docteur que je regarde ta dent, je suis sûr qu’il n’y aura pas besoin de l’arracher. » L’ayant examinée : « Ah ! dit-il, ce sera pourtant nécessaire. » Je me mis à crier de plus belle. « Non, ajouta-t-il, on ne l’arrachera pas. Tiens la voilà ! » Il me l’avait cueillie des deux doigts, sans que je m’en aperçusse, et il me démontra que je pleurais pour rien. Alors, je me mis à rire, ayant encore les yeux pleins de larmes. C’était le soleil avec la pluie.

Je me dis que nous exagérons sans doute parfois beaucoup nos maux, par l’imagination, et qu’il serait mieux d’être plus raisonnables. Il ne faut pas avoir trop de sensibilité.

La vaillance physique n’est pas pour moi un sujet d’admiration[1], le plaisir de l’étude calme et tranquille m’a constamment dominé, et les querelleurs m’ont toujours paru des sortes d’animaux venimeux.

  1. L’excellent docteur Reverchon, âgé aujourd’hui de quatre-vingt-six ans, doyen des médecins de la Haute-Marne et président de leur Association, semble me contredire. Voici le billet qu’il m’écrivait après la lecture des pages précédentes :

    « Mon cher Flammarion,

    « Je viens de lire l’affectueux souvenir que vous me conservez : j’en suis très honoré et fort heureux.

    « Je me remémore quelquefois le péril auquel vous avez échappé, quand j’habitais Montigny. Vous y êtes tombé très malade, atteint d’une congestion pulmonaire. Je vous avais trouvé le visage vultueux, la respiration difficile, précipitée, la température élevée, engorgement du poumon. État général