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LA PLANÈTE MARS.

quement, s’il existe des montagnes sur Mars d’une hauteur analogue à celles de la Terre et de la Lune, nous devrions pouvoir les voir, par un air calme, quand elles sont dans le voisinage du terminateur.

Cette hypothèse des chaînes de montagnes explique bien le caractère plus ou moins permanent de ces projections : elles ont été vues jour par jour, aux mêmes endroits. À l’opposition de 1892, elles ont été comprises dans la zone qui s’étend de 30° à 50° de latitude australe, et il est probable qu’elles étaient alors sous une illumination favorable dans cette région particulière, et défavorable ailleurs.

Objectera-t-on que les montagnes dans cette région devaient être couvertes de neige ? Pourquoi pas ? Si les calottes polaires sont composées de neige, les cimes élevées de toutes latitudes peuvent l’être aussi à une certaine époque de l’année martienne. Il pourrait se faire que celles situées dans les latitudes australes de 30° à 50° fussent couvertes de neige, se montrant, par suite, excessivement brillantes en juin et en juillet 1892. Celles des projections de juillet qui étaient les plus rapprochées de la calotte polaire australe étaient plus brillantes que les plus éloignées du pôle. Il faut rappeler ici que plusieurs observateurs ont dessiné Mars avec des traînées étroites et brillantes, prenant naissance dans les neiges polaires. Il est bien probable que ce sont là des chaînes de montagnes aux sommets desquelles les neiges fondent plus lentement qu’aux plaines avoisinantes. Il est aussi possible que les montagnes de Mars ne soient pas assez élevées, même pour devenir visibles sur le terminateur, sauf dans le cas où elles deviennent incomparablement plus brillantes que les régions voisines par la présence de la neige sur leurs sommets. Le fait que les projections n’ont pas été également bien visibles avant et après les oppositions de la planète nous fait soupçonner là une relation avec les saisons martiennes, telles que la fonte de la neige sur le sommet des montagnes à l’approche de l’été.

On a dit que ces projections pouvaient représenter des nuages. Cette hypothèse a quelques arguments en sa faveur ; mais, en général, elle ne paraît pas satisfaisante. En effet, nous ne sommes pas habitués à attacher aux nuages terrestres une permanence comparable à celle dont ces projections ont fait preuve ; elles ont été observées nuit par nuit aux mêmes positions. Celle des 11 et 13 juillet, par exemple, ont été visibles pendant deux heures et probablement plus encore, tandis que pendant ce temps 1300 à 1 450 kilomètres de la surface de la planète avaient passé par-dessus le terminateur. Ces projections ont été produites par des objets étroits et allongés, et correspondaient en position à des détails permanents et connus de la surface. M. Schiaparelli a observé des taches brillantes sur la surface, dont quelques-unes avaient un caractère de permanence remarquable, restant visibles pendant des mois entiers sans changements appréciables. Si les taches brillantes de Schiaparelli et les projections que nous avons décrites ont été produites par des nuages, ce pourrait être des nuages formés sur des cimes très froides, comme on le voit très souvent pendant des jours ou des semaines entières, au-dessus des montagnes terrestres. Mais ceci ne ferait que confirmer la théorie des montagnes.