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LA PLANÈTE MARS.

par de pareils nombres, auxquels nous ne sommes pas habitués sur notre globe, et il n’y a sans doute que des phénomènes exclusivement lumineux qui puissent expliquer de semblables hauteurs.

La calotte neigeuse australe a été l’objet de quelques mesures. Cette calotte a notablement diminué depuis deux mois ; actuellement (30 août), elle est en train de se disloquer ; elle est coupée par deux lignes noires au moins, sortes de crevasses analogues à celle que j’ai signalée en 1888 dans la calotte boréale. La première de ces lignes a été vue dès la fin de juin ; la seconde, le 8 du mois d’août.

Le pourtour est maintenant plus irrégulier que dans le passé ; on aperçoit notamment, entre le méridien de 300° et de 0°, une échancrure noire profonde qui va sans cesse grandissant.

Bien que les conditions actuelles ne leur soient pas précisément très favorables (au moins en ce qui concerne une partie d’entre eux), plusieurs canaux se voient assez bien ; certains sont assez apparents pour convaincre même les observateurs les plus prévenus.

Deux de nos dessins de la Grande Syrte, faits à des dates éloignées, indiquent quelques légers changements dans la portion la plus boréale de cette mer. Ils sont sans doute le fait des brouillards ou des nuages qui, à plusieurs reprises, m’ont paru envahir les régions boréales placées à l’est de cette grande Syrte, au point de cacher les canaux qui les sillonnent, et de ne les laisser voir que dans une partie seulement de leur étendue, celle qui est le plus au sud.

Nos dessins du lac du Soleil, comparés à ceux de M. Schiaparelli, accusent aussi quelques changements de détail dans l’aspect du lac lui-même et dans celui des mers et des canaux qui l’entourent.

L’observation la plus intéressante de ce mois-ci est celle que j’ai faite, le 6 août, d’un point très brillant placé précisément au bord de ce lac du Soleil. Ce point, qui m’avait frappé par son éclat extraordinaire, n’a pu être revu le lendemain ; s’il existait encore (les images étaient moins bonnes que la veille), il était certainement bien moins lumineux.

Ce phénomène et les phénomènes analogues que l’on note quelquefois sur la surface de la planète ne sont peut-être pas sans avoir quelque rapport avec les apparences du bord du disque que je viens de signaler. Les observations de l’avenir nous renseigneront sans doute à cet égard.

Ces observations de projections brillantes sur le terminateur de Mars sont aussi importantes que curieuses. Mais elles n’impliquent pas des élévations si prodigieuses (60 000m de hauteur !) Trois ou quatre mille mètres suffisent.

Nous anticiperons sur l’ordre chronologique en faisant remarquer que nous en avons observé une de même ordre, à notre Observatoire de Juvisy, le 23 août 1894 à 1h du matin. Le disque ne montrait pas beaucoup de détails : on y reconnaissait le lac du Soleil, le golfe de l’Aurore à sa gauche,