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LES COULEURS DE LA PLANÈTE MARS.

les tons changent et ne sont plus comparables. La couleur qui se rapproche le plus de celle de la planète est celle que l’on obtient en mélangeant par moitié la terre de Sienne et le sang-de-dragon.

Mais le rouge n’est pas la seule couleur visible sur la planète. Près du limbe, les rouges paraissent jaunâtres, indiquant probablement une absorption atmosphérique de la partie rouge du spectre, effet bien différent de l’action de notre propre atmosphère, qui tend à absorber les rayons bleus.

Le vert existe réellement sur la planète et n’est pas dû à un contraste. Des expériences comparatives l’ont établi. On en remarque d’ailleurs entre les neiges blanches du pôle et les régions rougeâtres dites continentales. Les diverses couleurs du disque, notamment le vert, s’apprécient mieux la nuit que le jour. Il importe aussi de tenir compte, pour juger des tons, de l’étendue des surfaces ; plus la surface est petite, plus le contraste avec régions voisines est grand, et moins le jugement est sûr.

M. Pickering est revenu sur le même sujet, dans une lettre du 13 mai, publiée à la page 545 du même Recueil. Il rappelle d’abord l’action de notre propre atmosphère pour modifier la véritable couleur des corps célestes. Élevons-nous sur une montagne par un ciel nuageux. Les verts éloignés, moins intenses que les proches, deviennent gris soit lorsque l’ombre d’un nuage les couvre, soit lorsque quelque brume s’interpose entre le paysage et l’oeil de l’observateur. Les variations rapides de couleur manifestées par certaines régions de Mars sont parfois aussi frappantes. Récemment, pendant une observation de la planète avant le lever du soleil, la calotte polaire australe neigeuse paraissait d’un vert brillant, égalant en couleur la bande verte étroite qui lui est contiguë. Dès que le Soleil eut paru, la couleur de la neige devint d’un jaune brillant, le reste du disque devenant orange. Ensuite plusieurs canaux devinrent visibles, et la neige du pôle de Mars parut aussi incolore que celle des montagnes voisines. Les deux premiers effets étaient probablement dus à une mauvaise image, les fluctuations de notre atmosphère superposant sur la neige les couleurs des régions environnantes. On en a déduit la règle de ne jamais ajouter pleine confiance aux colorations des diverses régions martiennes que lorsque le cap polaire paraît parfaitement blanc et que le système des canaux est bien défini. Ces conditions concordent toujours avec les meilleures images.

En étudiant les plus petites régions sombres, telles qu’à la partie nord-ouest de la mer du Sablier, l’observateur a noté de grandes différences de couleurs d’une nuit à l’autre, et sur certaines aquarelles il y a du gris, sur d’autres du vert, du bleu, du brun et même du violet. Cette dernière colo-