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LOWELL. — MARS.

Mais comment expliquer leur apparente duplication ? M. Lowell n’en donne pas encore la solution. « Ce qui se passe exactement… je ne puis prétendre le dire. On a supposé qu’une maturité progressive de la végétation du centre aux bords pouvait donner à une large rangée de vert l’apparence d’être double. Il y a des faits, cependant, qui ne s’accordent pas avec cette explication. »

De l’extrait ci-dessus, on peut voir que M. Lowell n’a pas la prétention de tout expliquer. Il semble toutefois probable que, si les canaux sont dus à de la végétation, leurs duplications doivent avoir une origine analogue.

Un des meilleurs exemples que nous ayons sur terre d’une grande étendue fertilisée rapidement par l’inondation d’un grand fleuve, c’est assurément la vallée du Nil. Cependant, en suivant les phases que la campagne subit sur les deux rives, pendant et après l’inondation, il est difficile de se rendre compte des développements observés sur Mars. Peut-être le système d’irrigation à la surface de cette planète a-t-il été poussé à un extrême degré de développement ; de plus petits canaux parallèles de chaque côté et à quelque distance des grands ont peut-être été creusés, afin d’être remplis et éventuellement séparés du canal principal, lorsque les eaux commencent à se retirer. De cette façon, la Terre serait mieux fertilisée d’abord sur les bords du canal principal, puis plus tard sur ceux des plus petits canaux. Un canal commencerait alors par paraître simple ; avec le temps il s’élargirait, et définitivement deviendrait double, les deux bandes les plus fertilisées étant parallèles, mais à quelque distance du canal principal. Les canaux de communication entre le canal principal et les canaux latéraux, ou plutôt la végétation le long de ces lignes, seraient invisibles à cause de leur exiguïté.

Une telle explication triomphe de la difficulté de décider pourquoi certains canaux ne se dédoublent pas. On peut admettre, en effet, que, dans ce cas, des canaux latéraux n’ont pas été construits, et dans cette hypothèse la gémination ne peut pas se produire.

Quelle que puisse être la véritable explication, il est certain, avant que ce problème puisse être véritablement résolu, qu’il faut observer attentivement la manière dont les canaux se développent et disparaissent.

Pour conclure, nous ne pouvons nous empêcher de reconnaître l’ordre logique de cet Ouvrage. L’auteur établit sur un très bon terrain l’hypothèse de la « végétation ». Il lui semble toutefois prématuré de déduire dès aujourd’hui des conclusions définitives, et il remet ses espérances aux prochaines oppositions.

Ces observations ont beaucoup ajouté à notre connaissance des lignes énigmatiques qui parsèment la surface de la planète, et la Science doit à M. Lowell une dette de reconnaissance pour l’énergie dont il a fait preuve en établissant et en conduisant l’organisation de son Observatoire.

Son Ouvrage ne s’adresse pas uniquement aux astronomes de profession, mais encore à tous ceux qui s’intéressent aux observations de la planète Mars, car il est écrit sous une forme tout à fait populaire. Les figures qui l’illustrent rehaussent encore la valeur du Livre.